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« L’odieux visuel »
samedi 17 août 2013
Présentation
Né en 1929, il avait fait ses premiers pas dans le théâtre dans les années 50 à l’École du Théâtre du Nouveau Monde où il avait remporté le premier prix de la comédie en 1952.
Après un séjour à Paris, il créa Sol, un clown auguste pour la série « Bim et Sol » qui deviendra plus tard « Sol et Gobelet ». Marc Favreau se rappelle le plaisir de jouer ce personnage malgré le manque de ressource financière de l’émission. « Ça nous a permis d’être un peu fous, un peu surréalistes », avait-il dit lors d’une entrevue à l’émission « L’indicatif présent », sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada.
Marc Favreau a déjà raconté que lui et son comparse, feu Luc Durant, ne voulaient pas ennuyer les parents qui écoutaient cette émission avec leurs enfants. « C’est pourquoi, en s’inspirant de notre modèle Chaplin, on s’efforçait d’inclure des gags absurdes qui allaient accrocher les adultes autant que les enfants », a-t-il dit, lors d’une entrevue au quotidien Le Devoir.
Lorsque cette série prendra fin en 1972, Marc Favreau reprendra le personnage de Sol, privilégiant le monologue, sur différentes scènes au Québec et à l’étranger, dont une présence au Festival d’Avignon, en 1977 .
Son plaisir : faire rire, de façon intelligente, en jouant avec les mots et les expressions de la langue française. Ainsi, « les jeux olympiques » s’étaient transformés en « oeufs limpides » et le premier ministre est devenu « le premier sinistre ».
« Elle est riche la langue, elle est imagée ; on n’a pas le droit de l’appauvrir et de la garder pauvre. Au contraire, on doit s’exciter autour de la langue. Et s’amuser, pourquoi pas ? », a-t-il déjà déclaré.
Il n’a jamais vraiment cesser de faire vivre Sol, donnant encore une série de spectacle « Prêtez-moi une oreille à une tentative », cet automne. Il devait d’ailleurs le présenter de nouveau à Montréal et en province à compter de février 2006.
La naïveté de Sol permettait à Marc Favreau de prendre position sur différents sujets sociaux, lui qui refusait de faire rire seulement pour faire rire. « On n’a pas le droit de faire juste du rire gratuit. Raconter des blagues, c’est drôle quand on est entre amis, mais sur scène, ça ne me suffit pas », avait-il expliqué à l’hebdomadaire « Voir », en mars dernier.
« L’odieux visuel »
Non j’a pas la main d’artisse
Faut un don
moi j’en a jamais reçu,
j’aurais pu faire du supplicationning
demander un conseil des lézards,
j’a jamais osé ...
Faut un don.
L’artisse qui a pas un don
il peut rien faire
peut même pas vivre.
Non
les arts c’est pas pour moi
quoi faire alors ?
avec mes deux mains gauches
quoi faire ?
quoi faire à la place des arts ?
L’odieux visuel
Non
les arts c’est pas pour moi...
C’est pas ma faute si j’ai pas la main d’artisse,
c’est la faute à personne non plus,
c’est même pas la faute au monde...
.
La faute au quoi ?
La faute au... la PHOTO !
Ouille mais oui la photo !
C’est faxile la photo !
pas besoin d’avoir la main
n’importe qui peut faire clic !
n’importe quel creton
alors je peux...
Je décisionne une incision capiteuse et insubversive :
je serai photograve
et la photo sera mon évocation
je serai photograve et trouble-têtes...
Et je vas pas perdre mon temps à photogêner
des petites choses comme
une pôvre petite allumette qu’a perdu le soufre
ou la poussière sur la ville
ou le fil de la pensée...
Non.
Je vas faire des photos sensalionelles
pour les délecteurs des fournaux à pédalo...
Je vas me coulisser dans le monde du respectacle
dans le monde de la chaude bisbille...
Là on peut faire des photos ravisseuses et scandides...
Dans ce monde-là y a de tout :
on volt toutes sortes d’impressarire
et des impressérieux aussi
qui palmarès très riches
mais qui sont criblés de vedettes...
Même qu’ils sont obligés de faire des enfants
qui prodigent qui prodigent et qui deviendront
des enchanteurs à succédanés en années...
Ou des enchanteresses mélodieuses
et même mélodiane
qui nous bercent qui nous bercent le murmure du son...!
On voit des coproduiseurs qui coproductionnent
des coprofilms...
Et des cinéastucieux
qui projectionnent leurs obscénarios sur un
mécréan géant !
On voit des scripoteurs de rétrovision
des scripoteurs téléromandités
qui nous épuisodent
avec des histoires d’internes minables...
des histoires à dormir assis ...!
On voit aussi des écrivaniteux
qui se laissent aller, qui se librairent,
qui goncourent à gauche à droite
à n’importe quel prix
et qui rampent le lendemain,
qui rampent de lancement en lancement...
On voit des comédiens errants
qui répliquent et qui répliquent
mais qui finissent sur le répertoire
à cause de leur interdiction...
On voit des prometteurs en scène
qui triomphent le soir de la première
et le même soir de la jeune première...
On voit des actristes
de grandes actristes
qui baissent les stars
et qui s’allongent molluptueusement
sur leur divague
dans leur éloge pleine de fleurs...
toujours prêtes à poser pour la camélia...!
Alors moi
toutes ces personnagités
je les photograve pour la prosternité !
Je leur agrandis le portrait pour trait,
je monte les étoiles sur six colonnes à la lune,
je leur fais connaître la célébriété
et je les livraisonne à la foule aux yeux d’or
toute pâmoisive et à demi rationnelle...
Et puis non c’est pas assez !
Passque si je veux être enfin quelconque,
si je veux être l’odieux visuel,
si je veux être le pluss grand médiocre d’information
il faut que je photografixe le monde
tout le monde l
e monde très parfaitement tout entier
au moins une belle grosse grande photo
qu’a pas besoin d’essplication,
une photo qui vaut dix mille morts...!
C’est pas si tant diffixile